La communication dans les opérations de secours

Traduc­tion et résumé d’une étude de septembre 2024 sur la commu­ni­ca­tion verbale, gestuelle et para­ver­bale dans les opéra­tions de recherche et de secours en mer.

sauveteur communique avec gestes
sauveteur communique avec gestes

 

Nous vous propo­sons d’abor­der la théma­tique des diffé­rents moyens de commu­ni­ca­tion, verbaux, gestuels et para­ver­baux, notam­ment avec des personnes stres­sées et apeu­rées (ou comment parve­nir à un but commun ?) au moyen de la traduc­tion et du résumé d’une étude parue au Manag­ment jour­nal studies en 2024. 

Pour toute infor­ma­tion complé­men­taire, veuillez lire l’étude dans son inté­gra­lité (dispo­nible en télé­char­ge­ment au bas de cette page) ou vous adres­sez à leurs auteurs. La traduc­tion peut compor­ter des erreurs et le résumé est soumis à la compré­hen­sion de l’au­teure.

 

Créa­tion Collec­tive de Sens Multi­mo­dale dans des Contextes Extrêmes : 

Preuves Tirées des Opéra­tions de Recherche et de Sauve­tage en Mer


Thomas Lübcke, Norbert Stei­gen­ber­ger, Hendrik Wilhelm et Indre Maurer

 

a) Service Alle­mand de Recherche et de Sauve­tage en Mer – DGzRS
b) École de Commerce, d’Éco­no­mie et de Statis­tiques d’Umeå, Univer­sité d’Umeå
c) Univer­sité Witten/Herdecke
d) Univer­sité de Göttin­gen

Cette étude explore comment, dans des contextes extrêmes, les acteurs (comme les sauve­teurs en mer et les réfu­giés) parviennent à coor­don­ner leurs actions malgré des dispa­ri­tés cogni­tives (niveaux d’ex­per­tise diffé­rents) et des émotions intenses (peur, anxiété). Lors d’une mission de sauve­tage en mer Égée, des réfu­giés à bord de bateaux pneu­ma­tiques non fiables devaient colla­bo­rer avec des sauve­teurs pour une évacua­tion sécu­ri­sée. La situa­tion était rendue complexe par la tension émotion­nelle et les compé­tences mari­times limi­tées des réfu­giés.

La recherche propose un modèle de « créa­tion collec­tive de sens » dans lequel deux proces­sus auxi­liaires émergent : le cadrage émotion­nel (réduc­tion des émotions distrayantes par des commu­ni­ca­tions para-verbales et non verbales) et le cadrage des tâches (guidage verbal des actions pour surmon­ter les diffé­rences cogni­tives). Ce modèle théo­rique met en évidence l’im­por­tance de la commu­ni­ca­tion multi­mo­dale dans la coor­di­na­tion d’ac­tions dans des situa­tions extrêmes, tout en offrant des ensei­gne­ments pratiques pour les profes­sion­nels confron­tés à ces contextes.

 

Résumé de la section « THEO­RIE » :

 

La section déve­loppe le concept de “créa­tion collec­tive de sens”, qui consiste à inter­pré­ter collec­ti­ve­ment des indices de l’en­vi­ron­ne­ment pour agir de manière coor­don­née, surtout lorsque les rôles profes­sion­nels ou les procé­dures stan­dards ne suffisent plus. Ce proces­sus, décrit en trois phases (percep­tion des indices, trai­te­ment des indices, et action collec­tive), est souvent fragile dans des contextes extrêmes en raison de deux facteurs : les émotions distrayantes (comme la peur ou l’an­xiété) et les dispa­ri­tés cogni­tives (diffé­rences de niveaux d’ex­per­tise).

 

Dans des situa­tions extrêmes, les émotions néga­tives perturbent la capa­cité des acteurs à trai­ter correc­te­ment les infor­ma­tions et à agir en colla­bo­ra­tion, ce qui peut mener à des échecs catas­tro­phiques, comme le montrent plusieurs études de cas. De plus, les dispa­ri­tés cogni­tives, où certains acteurs possèdent des repré­sen­ta­tions mentales plus élabo­rées que d’autres, compliquent encore davan­tage la créa­tion de sens, car les acteurs perçoivent et inter­prètent diffé­rem­ment les indices. 

 

L’in­ter­ac­tion entre ces émotions distrayantes et ces dispa­ri­tés cogni­tives fragi­lise la coor­di­na­tion collec­tive néces­saire dans des contextes extrêmes, comme celui étudié dans cette recherche (mission de sauve­tage en mer).

 

 

Résumé de la section « METHODES » :

 

Cette section décrit une étude de proces­sus réali­sée lors d’une mission de recherche et de sauve­tage mari­time dans la mer Égée en 2016. L’étude vise à comprendre le proces­sus de créa­tion collec­tive de sens en accu­mu­lant des données à partir de plusieurs pers­pec­tives, notam­ment des vidéos et des archives, afin de déve­lop­per une théo­rie sur le sujet. 

 

Contexte de la recherche

La mission a eu lieu à une époque où la mer Égée était une zone de crise huma­ni­taire en raison de l’aug­men­ta­tion du nombre de réfu­giés fuyant des conflits au Moyen-Orient et en Afrique. Le bateau de sauve­tage, nommé Unity”, était un croi­seur alle­mand opéré par une orga­ni­sa­tion à but non lucra­tif. Pendant trois mois, l’équi­page a patrouillé les eaux autour de l’île de Lesbos, avec pour mission de secou­rir des réfu­giés tentant de traver­ser la mer sur des bateaux pneu­ma­tiques souvent en mauvais état.

 

L’éva­cua­tion des réfu­giés se dérou­lait en trois phases néces­si­tant une coor­di­na­tion entre l’équi­page de sauve­tage et les réfu­giés :

1. Établir une connexion par un bout entre le bateau des réfu­giés et le bateau de secours.

2. Amar­rer le bateau des réfu­giés à l’ar­rière du Unity.

3. Trans­fé­rer les réfu­giés et leurs bagages à bord du Unity.

 

Obser­va­tion des dispa­ri­tés cogni­tives et des distrac­tions émotion­nelles

Une dispa­rité cogni­tive marquée exis­tait entre l’équi­page et les réfu­giés. L’équi­page possé­dait une exper­tise mari­time élabo­rée grâce à leur forma­tion, tandis que les réfu­giés manquaient de cette connais­sance, entraî­nant des compor­te­ments risqués. Des états émotion­nels tels que la peur et l’an­xiété pertur­baient égale­ment les actions des réfu­giés, rendant la coor­di­na­tion encore plus diffi­cile. Par exemple, lors de la première phase, des réfu­giés tentaient d’at­ta­cher la ligne de remorquage à des parties instables de leur bateau ou essayaient de monter à bord sans assis­tance.

 

Défis pour la créa­tion collec­tive de sens

Ces dispa­ri­tés cogni­tives et émotions distrayantes entra­vaient la capa­cité de l’équi­page et des réfu­giés à créer un sens commun, ce qui était essen­tiel pour des inter­ac­tions effi­caces. La commu­ni­ca­tion verbale entre les acteurs échouait souvent à guider la percep­tion et les actions, souli­gnant les défis inhé­rents à la mission de sauve­tage dans un contexte extrême. 

 

Résumé des phases d’éva­cua­tion

Un tableau (Tableau I) basé sur des données quali­ta­tives (manuels de procé­dures, vidéos, photo­gra­phies) est mentionné, décri­vant en détail les phases de l’éva­cua­tion et les actions néces­saires à chaque étape. 

 

Cette étude met en lumière la complexité de la créa­tion de sens collec­tif en situa­tion extrême et les facteurs qui peuvent entra­ver cette dyna­mique essen­tielle à la coor­di­na­tion des actions de sauve­tage.

 

 

Table I, décri­vant les phases de l’éva­cua­tion :

Phase

Actions requises

Défis rencon­trés

Phase 1

– Établir une connexion par un bout entre le bateau des réfu­giés et le bateau de sauve­tage de l’Unity.

– L’équi­page prépare le bateau de sauve­tage pour le déploie­ment.

– Commu­ni­ca­tion avec la Garde côtière grecque pour obte­nir l’au­to­ri­sa­tion.

– Les réfu­giés tentent d’at­ta­cher la corde à des parties instables de leur bateau.

– La peur et l’an­xiété poussent les réfu­giés à main­te­nir leur cap ou à accé­lé­rer.

Phase 2

– Amar­rer et sécu­ri­ser le bateau des réfu­giés à l’ar­rière de l’Unity.

– S’as­su­rer que des mesures de sécu­rité sont en place pour la sécu­ri­sa­tion du bateau.

– Diffi­culté à sécu­ri­ser le bateau en raison de la panique des réfu­giés.

– Mauvaise commu­ni­ca­tion entre l’équi­page et les réfu­giés concer­nant les actions néces­saires.

Phase 3

– Trans­fé­rer les réfu­giés et leurs bagages de leur bateau à l’Unity.

– S’as­su­rer que tous les réfu­giés sont comp­ta­bi­li­sés et amenés à bord en toute sécu­rité.

– Les réfu­giés se débar­rassent de leurs gilets de sauve­tage et tentent de monter à bord sans assis­tance.

– Les distrac­tions émotion­nelles entraî­nant des actions dange­reuses (par exemple, sauter à l’eau).

Points clés

  • Coor­di­na­tion collec­tive : Chaque phase néces­si­tait une coor­di­na­tion soigneuse entre l’équi­page et les réfu­giés.
  • Dispa­rité cogni­tive : Les diffé­rences de connais­sances mari­times entre les deux groupes ont créé des défis pour l’achè­ve­ment effi­cace de chaque phase.
  • Distrac­tion émotion­nelle : La peur et l’an­xiété ont eu un impact signi­fi­ca­tif sur le compor­te­ment et la prise de déci­sion des réfu­giés, affec­tant ainsi l’en­semble du proces­sus d’éva­cua­tion.

 

 

1a Approche du bateau des réfu­giés.

 Les membres de l’équi­page de sauve­tage se préparent à déployer l’an­nexe, mettent leur équi­pe­ment de protec­tion indi­vi­duelle (néoprènes, deux couches de gants en latex, gants de travail) et chargent de l’équi­pe­ment supplé­men­taire (gilet de sauve­tage, radio porta­tive). Deux membres de l’équi­page montent ensuite à bord de l’an­nexe et le lancent à l’eau, navi­guant à une certaine distance derrière le croi­seur de sauve­tage et en direc­tion du bateau des réfu­giés. Le timo­nier à bord du bateau de sauve­tage navigue vers le bateau des réfu­giés, tandis que l’autre membre de l’équi­page prépare un bout  à lancer.

annexe quitte la vedette
L’an­nexe quitte la vedette
 
1b Saluer les réfu­giés.

 Les membres de l’équi­page de sauve­tage du bateau de sauve­tage accueillent les réfu­giés et les informent qu’ils sont main­te­nant en Grèce/dans l’UE. Ils recueillent égale­ment des infor­ma­tions perti­nentes pour l’opé­ra­tion, telles que le nombre approxi­ma­tif de personnes à bord et s’il y a des bébés et de jeunes enfants parmi les réfu­giés. Ils demandent aux réfu­giés d’éteindre le moteur hors-bord s’ils ne l’ont pas déjà fait.

L'annexe a rejoint le bateau des réfugiés
L’an­nexe a rejoint le bateau des réfu­giés
 
1c Établir une connexion avec un bout.

 Après que le moteur hors-bord a été éteint, un membre de l’équi­page de sauve­tage lance une corde au bateau au semi-rigide. Les réfu­giés doivent enrou­ler la corde autour du moteur (qui est la partie la plus solide du semi rigide) et l’at­ta­cher.

Remorquage par l'annexe vers la vedette
Remorquage par l’an­nexe vers la vedette

 

2a Amar­rer le bateau des réfu­giés à l’ar­rière du croi­seur de sauve­tage. 

Après que la remorque de l’an­nexe  a été connec­tée au semi rigide, le barreur du croi­seur de sauve­tage, s’ap­proche lente­ment du semi rigide en marche arrière. Par radio, le barreur de l’an­nexe informe le barreur du croi­seur de sauve­tage de sa posi­tion exacte et trans­met des infor­ma­tions perti­nentes sur le bateau des réfu­giés.

La vedette recule pour s'approcher par l'arrière du bateau des réfugiés
La vedette recule pour s’ap­pro­cher par l’ar­rière du bateau des réfu­giés
 
2b Prépa­ra­tion du croi­seur de sauve­tage. 

Pendant ce temps, les membres de l’équi­page de sauve­tage à bord du croi­seur se préparent pour l’éva­cua­tion. Un chemin de sauve­tage en caou­tchouc est gonflé et des bouts d’amar­rage sont prépa­rés. Les membres de l’équi­page prennent ensuite leurs posi­tions sur le pont arrière tandis que le croi­seur recule lente­ment vers le bateau des réfu­giés. Pendant cette phase, il est parti­cu­liè­re­ment impor­tant que les réfu­giés restent assis.

 

2c Fixa­tion du bateau des réfu­giés à l’ar­rière du croi­seur de sauve­tage

Dès que le bateau en caou­tchouc est posi­tionné perpen­di­cu­lai­re­ment exac­te­ment au milieu de l’ar­rière du croi­seur de sauve­tage, celui-ci ralen­tit son mouve­ment en arrière, pous­sant douce­ment le bateau en caou­tchouc pour main­te­nir sa posi­tion par rapport au croi­seur. Un membre de l’équi­page de sauve­tage dans le bateau de sauve­tage lance une extré­mité de la ligne de connexion à un collègue à bord du croi­seur de sauve­tage, qui sécu­rise le bateau en caou­tchouc au croi­seur. D’autres lignes sont remises ou lancées vers le bateau des réfu­giés. Certains réfu­giés parti­cipent à la tâche, tandis que tous les autres doivent rester assis.

Les équipiers de l'annexe font passer la remorque à la vedette
Les équi­piers de l’an­nexe font passer la remorque à la vedette Le bateau des requé­rants est amarré à l’ar­rière de la vedette
 
3a Prépa­ra­tion au trans­fert des réfu­giés et de leurs bagages vers le croi­seur de sauve­tage. 

Un membre de l’équi­page de sauve­tage se tenant à la porte de rampe du croi­seur de sauve­tage, à côté du chemin de sauve­tage gonflable, explique les prochaines étapes de l’éva­cua­tion aux réfu­giés. Ce membre de l’équi­page informe les réfu­giés que les bébés et les nour­ris­sons vont débarquer du bateau en caou­tchouc en premier, suivis des femmes, puis des hommes, tout le monde débarquant lente­ment, un par un.

l'annexe vient se placer le long du bateau des réfugiés
l’an­nexe vient se placer le long du bateau des réfu­giés
 
3b Trans­fert des réfu­giés vers le croi­seur de sauve­tage

Le proces­sus d’éva­cua­tion commence par le passage des bébés, puis des petits enfants, aux membres de l’équi­page de sauve­tage. Les membres de l’équi­page, se tenant les uns derrière les autres, passent rapi­de­ment les bébés vers la cabine du pont. Là, les bébés et les petits enfants sont placés dans la zone de salon pour les proté­ger du froid, du vent et des acci­dents. Ensuite, les mères montent à bord du croi­seur et sont conduites vers leurs enfants. Les jeunes, les femmes sans petits enfants et tous les hommes sont ensuite conduits à travers la cabine du pont vers l’avant du navire. Les réfu­giés laissent leurs bagages dans le bateau en caou­tchouc.

Les réfugiés sont transférés vers la vedette
Les réfu­giés sont trans­fé­rés vers la vedette
 
3c Trans­fert des bagages des réfu­giés vers le croi­seur de sauve­tage 

Pendant que les réfu­giés sont trans­fé­rés du bateau en caou­tchouc au croi­seur de sauve­tage, les membres de l’équi­page de sauve­tage du bateau de sauve­tage commencent à trans­fé­rer les bagages. Pour ce faire, ils demandent à des réfu­giés indi­vi­duels encore dans le bateau en caou­tchouc et atten­dant de monter à bord du croi­seur de remettre leurs bagages. Une fois le dernier réfu­gié monté à bord du croi­seur de sauve­tage, l’éva­cua­tion est complète. Les réfu­giés évacués reçoivent des soins médi­caux si néces­saire et sont amenés au port de Myti­lène.

 

Collecte de données (Résumé)

La collecte de données a eu lieu début 2016, lorsque le premier auteur a rejoint une mission de sauve­tage. Formé en socio­lo­gie avec des compé­tences en recherche et sauve­tage mari­time, il a parti­cipé à 12 évacua­tions. L’ana­lyse prin­ci­pale repose sur cinq évacua­tions avec des données vidéo de haute qualité, en véri­fiant que les évacua­tions avec des données incom­plètes étaient simi­laires.

Les enre­gis­tre­ments vidéo, qui repré­sentent 1415 minutes de séquences, sont au cœur de l’ana­lyse, permet­tant une obser­va­tion détaillée des inter­ac­tions entre l’équi­page de sauve­tage et les réfu­giés. Plusieurs camé­ras ont été utili­sées pour mini­mi­ser les biais. En plus des vidéos, 2339 photo­gra­phies ont été prises pour complé­ter l’ana­lyse, captu­rant des détails maté­riels et des compor­te­ments des acteurs.

L’ob­ser­va­tion parti­ci­pante a égale­ment été cruciale, permet­tant au premier auteur de comprendre les défis rencon­trés par l’équi­page et les réfu­giés, qu’il a docu­men­tés dans un jour­nal de recherche. Des docu­ments écrits, comme des manuels d’ins­truc­tions et des jour­naux de bord, ont servi à trian­gu­ler les données collec­tées.

 

Éthique de la recherche et protec­tion des données

Nous avons collecté des données en direct dans un contexte extrême, ce qui a néces­sité une réflexion critique sur l’éthique de notre recherche et l’ap­pli­ca­tion de normes rigou­reuses de protec­tion des données. Étant donné que la recherche se dérou­lait dans un envi­ron­ne­ment où les personnes souf­fraient, le premier auteur a toujours donné la prio­rité à la mission de sauve­tage plutôt qu’à la collecte de données, ce qui a impacté la qualité des enre­gis­tre­ments vidéo. Les camé­ras étaient placées de manière à ne pas inter­fé­rer avec les évacua­tions, et les membres de l’équi­page pouvaient arrê­ter l’en­re­gis­tre­ment si néces­saire, ce qui ne s’est pas produit durant la mission.

Nous avons obtenu le consen­te­ment de tous les membres de l’équi­page de sauve­tage et des orga­ni­sa­tions impliquées, mais il n’a pas été possible d’ob­te­nir le consen­te­ment des réfu­giés avant leur évacua­tion. Après leur évacua­tion, ils étaient épui­sés et avaient besoin de soins, rendant toute demande de consen­te­ment impos­sible. Par consé­quent, nous avons anony­misé leur iden­tité en pixe­li­sant les visages et en flou­tant les voix, confor­mé­ment aux règle­ments de protec­tion des données. La collecte de données et l’ano­ny­mi­sa­tion ont été approu­vées par le comité d’éthique de l’or­ga­ni­sa­tion. Les données ont été stockées sur un disque dur externe crypté, et chaque personne analy­sant les données brutes devait signer un accord strict de protec­tion des données.

 

Analyse des données

L’ana­lyse des données s’est concen­trée sur des épisodes de sens­ma­king (proces­sus par lequel les indi­vi­dus ou les groupes inter­prètent des infor­ma­tions, des événe­ments ou des expé­riences pour donner un sens à leur envi­ron­ne­ment et guider leurs actions) collec­tif entre l’équi­page de sauve­tage et les réfu­giés. La stra­té­gie analy­tique consis­tait d’abord à étudier ces épisodes au sein des évacua­tions, puis à élar­gir la compré­hen­sion en compa­rant diffé­rents épisodes au sein d’une même évacua­tion et les mêmes épisodes entre diffé­rentes évacua­tions. Deux autres cher­cheurs ont aidé à l’ana­lyse pour éviter le biais de fami­lia­rité.

Proces­sus d’ana­lyse :

  1. Compré­hen­sion et visua­li­sa­tion de l’éva­cua­tion : Les auteurs ont visionné les enre­gis­tre­ments vidéo, rédi­geant des descrip­tions détaillées enri­chies par d’autres sources de données, permet­tant ainsi d’iden­ti­fier les épisodes de sens­ma­king collec­tif.
  2. Codage des épisodes de sens­ma­king : Ils ont examiné comment les acteurs ont collec­ti­ve­ment fait sens des inter­ac­tions, en notant comment ils ont géré les dispa­ri­tés cogni­tives et les distrac­tions émotion­nelles.
  3. Compa­rai­son des évacua­tions : Ils ont comparé les évacua­tions pour iden­ti­fier des éléments communs de commu­ni­ca­tion multi­mo­dale malgré des varia­tions dans le temps, la météo et la compo­si­tion des groupes.
  4. Déve­lop­pe­ment d’un modèle de proces­sus : Ils ont exploré l’in­ter­ac­tion entre la commu­ni­ca­tion verbale, non verbale et para-verbale pour comprendre le cadre émotion­nel et le cadre de la tâche, ce qui a conduit à l’éla­bo­ra­tion d’un modèle de sens­ma­king collec­tif multi­mo­dal dans des contextes extrêmes.

 

Évacua­tion #1 :


Date : 12 mars 2016, 6h15 – 6h40
Posi­tion : 39°04′55″ N, 026°35′80″ E
Météo : Nuageux, eau à 16,5 °C, air à 19 °C, brise légère
Équipe de secours : 9 Alle­mands, 4 Grecs
Personnes secou­rues : 14 bébés et jeunes enfants à bord, total de 58 personnes
Remarques : Prin­ci­pa­le­ment des réfu­giés (familles) de Syrie, bateau en caou­tchouc léger et gris (de mauvaise qualité)

Modes de commu­ni­ca­tion utili­sés :

  • Commu­ni­ca­tion verbale (V) :
    Formules de bien­ve­nue : « Bonjour », de sécu­rité : « Nous vous emme­nons sur notre bateau… » et de compré­hen­sion commune : « Parlez-vous anglais ? »
    Instruc­tions précises : « Vous enrou­lez la corde autour du moteur ».
    Formules de remer­cie­ment : « Merci ! » et d’ap­pré­cia­tion : « D’ac­cord ! »
  • Commu­ni­ca­tion non verbale (NV) :
    Gestes de bien­ve­nue (salut de la main) en recher­chant le contact visuel.
    Gestes illus­tra­tifs (poin­ter du doigt, décrire des cercles) tout en main­te­nant le contact visuel.
    Signaux d’ap­pré­cia­tion (pouce en l’air).
  • Commu­ni­ca­tion para-verbale (PV) :
    Ton amical et calme, mélo­die de discours legato, en parlant haut et clai­re­ment.
    Ton instruc­tif, en mettant l’ac­cent sur des mots clés (ex. : aroooound) et en utili­sant des onoma­to­pées (ex. : clac).
    Ton amical et louan­geur, mélo­die de discours legato apai­sante.

 

Obser­va­tions :

  • Aucune instance de cadre émotion­nel (réta­blis­se­ment d’un état calme et atten­tif) n’a été notée durant cette évacua­tion.

Évacua­tion #2 :

Date : 12 mars 2016, 8h04 – 8h14
Posi­tion : 39°07′15″ N, 026°38′38″ E
Météo : Nuageux, averses occa­sion­nelles, eau à 16,5 °C, air à 19 °C, brise légère
Équipe de secours : 9 Alle­mands, 4 Grecs
Personnes secou­rues : 12 jeunes enfants à bord, total de 51 personnes
Remarques : Réfu­giés de Syrie et d’Irak, bateau en caou­tchouc noir (qualité moyenne)

Commu­ni­ca­tion verbale (V) :

  • Formules de bien­ve­nue : « Bien­ve­nue en Euro­pe… Bonjour ! », de sécu­rité : « Vous êtes dans une zone sûre. » et de compré­hen­sion commune : « Y a-t-il quelqu’un pour traduire ? »
  • Instruc­tions sur la procé­dure : « Nous vous donne­rons une corde… vous l’en­rou­lez autour du moteur. »

Commu­ni­ca­tion non verbale (NV) :

  • Gestes de bien­ve­nue (salut de la main) tout en cher­chant le contact visuel.
  • Gestes illus­tra­tifs : montrer comment accro­cher le mousque­ton tout en main­te­nant le contact visuel.

Commu­ni­ca­tion para-verbale (PV) :

  • Ton amical et calme, mélo­die de discours legato, en parlant haut et clai­re­ment.
  • Ton instruc­tif, en mettant l’ac­cent sur des mots clés : « aroooound ».

Appré­cia­tion :

  • Formules d’ap­pré­cia­tion : « Oui ! », « Bon travail ! », signaux d’ap­pré­cia­tion (pouce en l’air), ton amical et louan­geur.

Calme :

  • Formules de calme : « Asseyez-vous ! » et geste apai­sant.

 

Évacua­tion #3 :

Date : 12 mars 2016, 8h35 – 8h50
Posi­tion : 39°03′02″ N, 026°37′53″ E
Météo : Nuageux, averses occa­sion­nelles, eau à 16,5 °C, air à 19 °C, brise légère
Équipe de secours : 9 Alle­mands, 4 Grecs
Personnes secou­rues : 2 bébés, 12 jeunes enfants, 9 enfants, total de 56 personnes
Remarques : Bateau en caou­tchouc gris/vert (mauvaise qualité)

Commu­ni­ca­tion verbale (V) :

  • Formules de bien­ve­nue : « Bien­ve­nue en Europe. », de sécu­rité : « Tout va bien. » et de compré­hen­sion commune : « Y a-t-il quelqu’un qui parle anglais ? »
  • Instruc­tions précises : « Prenez la corde… enrou­lez-la autour du moteur ! »

Commu­ni­ca­tion non verbale (NV) :

  • Gestes de bien­ve­nue : salut de la main tout en cher­chant le contact visuel.
  • Gestes illus­tra­tifs : poin­ter du doigt, indiquer un cercle tout en main­te­nant le contact visuel.

Commu­ni­ca­tion para-verbale (PV) :

  • Ton amical et calme, en parlant haute­ment et de manière auto­ri­taire tout en mettant l’ac­cent sur des mots clés : « aroooound ».

Appré­cia­tion :

  • Formules d’ap­pré­cia­tion : « Oui ! », « Super ! », « D’ac­cord ! ».

Aucune instance de cadre émotion­nel n’a été notée.

 

Évacua­tion #4 :

Date : 17 mars 2016, 6h47 – 7h14
Posi­tion : 39°03′60″ N, 026°29′70″ E
Météo : Enso­leillé, air à 10 °C, vent de brise douce à fraîche, mer de 0,5 à 1,0 m.
Équipe de secours : 8 Alle­mands, 2 Grecs, 4 sauve­teurs alle­mands
Personnes secou­rues : Prin­ci­pa­le­ment des jeunes hommes d’Af­gha­nis­tan et d’Inde, total de 61 personnes
Remarques : De nombreuses personnes ont le mal de mer, bateau en caou­tchouc noir (qualité moyenne).

Commu­ni­ca­tion verbale (V) :

  • Formules de bien­ve­nue : « Bien­ve­nue en Europe. », de sécu­rité : « Vous êtes en sécu­rité ! » et de compré­hen­sion commune : « Parlez-vous anglais ? »
  • Instruc­tions sur la procé­dure : « Mettez notre corde autour du moteur ! »

Commu­ni­ca­tion non verbale (NV) :

  • Signaux de sécu­rité : pouce en l’air tout en cher­chant le contact visuel.
  • Gestes illus­tra­tifs : offrir une corde, poin­ter du doigt, décrire des cercles.

Commu­ni­ca­tion para-verbale (PV) :

  • Ton calme, en parlant haut et clai­re­ment, ton encou­ra­ge­ment.

Appré­cia­tion :

  • Formules d’ap­pré­cia­tion : « Parfait ! », signaux d’ap­pré­cia­tion : pouce en l’air, ton amical et louan­geur.

Calme :

  • Formules de sécu­rité : « Tout va bien. » et gestes apai­sants : geste de bras.

 

Évacua­tion #5 :

Date : 17 mars 2016, 7h30 – 7h53
Posi­tion : 39°04′10″ N, 026°36′90″ E
Météo : Enso­leillé, air à 10 °C, vent de brise douce à fraîche, mer de 0,5 à 1,0 m.
Équipe de secours : 8 Alle­mands, 2 Grecs, 4 sauve­teurs alle­mands
Personnes secou­rues : Prin­ci­pa­le­ment des hommes, 4 femmes, 1 enfant, total de 64 personnes
Remarques : Iden­tiques à l’Éva­cua­tion #4, personnes de l’Éva­cua­tion #4 encore à bord, bateau en caou­tchouc noir (qualité moyenne).

Commu­ni­ca­tion verbale (V) :

  • Formules de bien­ve­nue : « Bien­ve­nue en Europe. », de sécu­rité : « Vous êtes en sécu­rité ! » et de compré­hen­sion commune : « Parlez-vous anglais ? »
  • Instruc­tions : « Autour du moteur ! »

Commu­ni­ca­tion non verbale (NV) :

  • Signaux de sécu­rité : pouce en l’air tout en cher­chant le contact visuel.
  • Gestes illus­tra­tifs : indiquer un cercle.

Commu­ni­ca­tion para-verbale (PV) :

  • Ton instruc­tif et encou­ra­geant, en parlant haute­ment.

Appré­cia­tion :

  • Formules d’ap­pré­cia­tion : « Oui, parfait ! », ton applau­dis­sant.

Calme :

  • Formules de sécu­rité : « Ça va. » et de calme : « Asseyez-vous. »

 

Commu­ni­ca­tion dans les opéra­tions de sauve­tage

Spéci­fi­ca­tion de la multi­mo­da­lité :

  1. Commu­ni­ca­tion verbale (V) :
    • Formules de bien­ve­nue : Expres­sions utili­sées pour saluer et rassu­rer les personnes secou­rues.
    • Assu­rances de sécu­rité : Énon­cés qui soulignent la sécu­rité des personnes secou­rues.
    • Compré­hen­sion commune : Ques­tions visant à établir une langue ou une compré­hen­sion commune, comme deman­der des capa­ci­tés de traduc­tion.
    • Instruc­tions : Direc­tions claires données aux personnes secou­rues concer­nant les proto­coles de sécu­rité et les procé­dures de sauve­tage.
    • Appré­cia­tion : Phrases de renfor­ce­ment posi­tif pour encou­ra­ger et recon­naître les efforts.
  2. Commu­ni­ca­tion non verbale (NV) :
    • Gestes de bien­ve­nue : Actions telles que faire signe pour saluer et rassu­rer les personnes secou­rues.
    • Gestes illus­tra­tifs : Actions qui démontrent visuel­le­ment les instruc­tions, comme poin­ter du doigt ou indiquer des cercles.
    • Signaux de sécu­rité : Signaux non verbaux (par exemple, pouce levé) qui commu­niquent la réas­su­rance et la sécu­rité.
    • Gestes apai­sants : Mouve­ments visant à calmer et rassu­rer les personnes secou­rues.
  3. Commu­ni­ca­tion para­ver­bale (PV) :
    • Ton de la voix : La qualité émotion­nelle et l’at­ti­tude véhi­cu­lées par la voix, décrites comme amicales, calmes ou encou­ra­geantes.
    • Mélo­die de la parole : Le rythme et le flux de la parole, y compris des sché­mas de discours légato utili­sés pour apai­ser ou donner des instruc­tions clai­re­ment.
    • Volume et accen­tua­tion : L’uti­li­sa­tion d’un discours fort et clair pour garan­tir la compré­hen­sion, notam­ment lors des instruc­tions.

 

Descrip­tion phras­tique des données :

  • Évacua­tion #2 (12–03–2016, 8h04–8h14) :
    • Les secou­ristes ont accueilli des réfu­giés venant de Syrie et d’Irak avec des salu­ta­tions amicales et des assu­rances sur la sécu­rité, utili­sant des instruc­tions verbales claires et main­te­nant le contact visuel à travers des gestes illus­tra­tifs.
  • Évacua­tion #3 (12–03–2016, 8h35–8h50) :
    • Les secou­ristes ont employé des tech­niques simi­laires pour accueillir et instruire un groupe mixte de jeunes enfants et de tout-petits. L’ac­cent était mis sur une commu­ni­ca­tion claire et un renfor­ce­ment posi­tif tout en main­te­nant un compor­te­ment amical.
  • Évacua­tion #4 (17–03–2016, 6h47–7h14) :
    • Un groupe plus impor­tant de jeunes hommes venant d’Af­gha­nis­tan et d’Inde a été secouru. Les secou­ristes ont utilisé des gestes apai­sants et un langage rassu­rant, veillant à ce que chacun comprenne les instruc­tions avec un discours clair, fort et amical.
  • Évacua­tion #5 (17–03–2016, 7h30–7h53) :
    • Pour­sui­vant les efforts de l’éva­cua­tion précé­dente, les secou­ristes ont main­tenu une approche cohé­rente pour accueillir et assu­rer la sécu­rité, renforçant le compor­te­ment posi­tif par des signaux verbaux et non verbaux tout en four­nis­sant des instruc­tions claires.

Cadre émotion­nel (établir un état calme et atten­tif)

Focus sur les gestes ou signaux non verbaux de bien­ve­nue et de sécu­rité :

  • Les membres de l’équi­page de secours font signe de la main pour accueillir les réfu­giés (les réfu­giés répondent souvent par un geste de la main une fois que les émotions intenses sont mini­mi­sées).
  • Les membres de l’équi­page de secours montrent un pouce levé pour affir­mer que tout va bien (les réfu­giés indi­vi­duels imitent souvent ce signal de la main jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées).
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des gestes apai­sants de la main (les réfu­giés indi­vi­duels imitent souvent ce geste pour calmer d’autres réfu­giés jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées).
  • Les membres de l’équi­page de secours cherchent le contact visuel avec les réfu­giés afin que ceux-ci deviennent atten­tifs.

Répé­ti­tion formu­lée d’ex­pres­sions verbales de bien­ve­nue et de sécu­rité (jusqu’à ce que les émotions distrayantes soient mini­mi­sées et que les réfu­giés deviennent atten­tifs) :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules de bien­ve­nue (par exemple, « Bien­ve­nue en Europe », « Vous êtes en Grèce. Bien­ve­nue »), qu’ils répètent jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées.

Cadre émotion­nel (établir un état calme et atten­tif)

Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules pour établir un niveau commun de compré­hen­sion par exemple, « Est-ce que quelqu’un parle anglais ? », qu’ils répètent jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées et que les réfu­giés deviennent atten­tifs.

Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules pour signa­ler la sécu­rité par exemple, « Tout va bien », « Vous êtes en sécu­rité », « Nous vous amenons sur notre bateau », « Vous allez tous vous en sortir bien­tôt », qu’ils répètent jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées.

Focus sur la commu­ni­ca­tion para-verbale amicale, claire et apai­sante :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent un ton de voix amical et calme (les réfu­giés imitent souvent le ton de voix une fois que les émotions intenses sont mini­mi­sées).
  • Les membres de l’équi­page de secours parlent fort et clai­re­ment jusqu’à ce que les réfu­giés deviennent atten­tifs.
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent une mélo­die de discours legato et apai­sante jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées et que les réfu­giés deviennent atten­tifs.

Cadre de tâche (instruire l’exé­cu­tion de la tâche)

Main­te­nance ou répé­ti­tion des signaux corpo­rels non verbaux et des gestes illus­tra­tifs pour atti­rer l’at­ten­tion (jusqu’à ce que la tâche requise soit accom­plie) :

  • Les membres de l’équi­page de secours main­tiennent un langage corpo­rel, par exemple, se tour­ner vers les réfu­giés, prendre une posi­tion visible, s’ac­crou­pir à hauteur des yeux, afin que les réfu­giés restent atten­tifs (les réfu­giés utilisent leur langage corpo­rel pour montrer leur atten­tion et leur dispo­ni­bi­lité).
  • Les membres de l’équi­page de secours main­tiennent le contact visuel pour s’as­su­rer que les réfu­giés restent atten­tifs (les réfu­giés main­tiennent le contact visuel pour indiquer leur atten­tion et leur volonté d’ac­com­plir la tâche requise).
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des gestes de la main illus­tra­tifs (par exemple, décrire des cercles, un geste de la main montrant comment « accro­cher » le mousque­ton, un geste dési­gnant les réfu­giés « un par un », qu’ils répètent jusqu’à ce que la tâche requise soit accom­plie.

Focus sur la trans­mis­sion verbale des indices pour exécu­ter la tâche requise :

  • Les membres de l’équi­page de secours donnent des instruc­tions sur la manière d’éta­blir la connexion par un bout entre le bateau des réfu­giés et le bateau de sauve­tage sans expli­ca­tion supplé­men­taire, par exemple : « Vous prenez la corde et la mettez autour du moteur ».
  • Les membres de l’équi­page de secours décrivent la procé­dure de base de l’éva­cua­tion sans expli­ca­tion supplé­men­taire, par exemple, « D’abord, nous fixons le bateau. Embarque­ment quand nous disons commen­cer. D’abord les bébés, les enfants, les femmes. Et un par un ».

Main­te­nance ou répé­ti­tion de la commu­ni­ca­tion para-verbale instruc­tive et onoma­to­péique (jusqu’à ce que la tâche requise soit accom­plie) :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent un ton de voix instruc­tif et encou­ra­geant afin que les réfu­giés restent atten­tifs.
  • Les membres de l’équi­page de secours parlent fort, parfois de manière auto­ri­taire, afin que les réfu­giés restent atten­tifs.
  • Les membres de l’équi­page de secours soulignent les mots clés, par exemple : « aaroouund » et utilisent des onoma­to­pées, par exemple, « clack » pour illus­trer l’ins­truc­tion verbale (c’est-à-dire, accro­cher le mousque­ton), qu’ils répètent jusqu’à ce que la tâche requise soit accom­plie.

Cadre émotion­nel (clôtu­rer l’in­ter­ac­tion)

Focus sur les gestes non verbaux ou les signaux de remer­cie­ment et d’ap­pré­cia­tion :

  • Les membres de l’équi­page de secours montrent un pouce levé pour affir­mer que le travail commun est terminé à la satis­fac­tion de tous (les réfu­giés indi­vi­duels imitent souvent ces signaux de la main).
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des gestes (par exemple, un high five) pour affir­mer que le travail commun est terminé à la satis­fac­tion de tous (les réfu­giés imitent souvent ces gestes ou sourient avec soula­ge­ment et satis­fac­tion).

Répé­ti­tion formu­lée d’ex­pres­sions verbales de remer­cie­ment et d’ap­pré­cia­tion (lais­sant un état émotion­nel collec­tif posi­tif) :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules de remer­cie­ment, par exemple : « OK. Merci ! » pour affir­mer que le travail commun est terminé à la satis­fac­tion de tous.
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules d’ap­pré­cia­tion, par exemple, « Oui, parfait. Parfait ! », « Oui, super, d’ac­cord », « Bon travail » pour affir­mer que le travail commun est terminé à la satis­fac­tion de tous.

Focus sur la commu­ni­ca­tion para-verbale amicale, élogieuse et apai­sante :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent un ton de voix amical et élogieux.
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent une mélo­die de discours legato et apai­sante.

Cadre émotion­nel (réta­blir un état calme et atten­tif)

Focus sur les gestes non verbaux ou les signaux de calme et de sécu­rité :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des gestes apai­sants de la main (les réfu­giés indi­vi­duels imitent souvent ce geste pour calmer d’autres réfu­giés jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées).
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des signaux (par exemple, un pouce levé, poin­ter vers le bateau de sauve­tage) pour affir­mer que tout va bien.
  • Les membres de l’équi­page de secours cherchent le contact visuel avec les réfu­giés afin que ceux-ci deviennent atten­tifs.

Evacua­tion 3:

Répé­ti­tion formu­lée d’ex­pres­sions verbales de calme et de sécu­rité (jusqu’à ce que les émotions distrayantes dimi­nuent et que les réfu­giés se calment) :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules pour signa­ler la sécu­rité (par exemple, « Tout va bien », « Nous sommes ici », « Le grand bateau arrive », qu’ils répètent jusqu’à ce que les émotions intenses soient mini­mi­sées.
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent des formules apai­santes par exemple : « Asseyez-vous », « Atten­dez »), qu’ils répètent pour stop­per l’agi­ta­tion parmi les réfu­giés.

Focus sur la commu­ni­ca­tion para-verbale amicale, claire et apai­sante :

  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent un ton de voix amical et calme.
  • Les membres de l’équi­page de secours parlent fort et clai­re­ment pour s’as­su­rer que les réfu­giés écoutent.
  • Les membres de l’équi­page de secours utilisent une mélo­die de discours legato et apai­sante.

Sensi­bi­li­sa­tion collec­tive : Les membres de l’équi­page et les réfu­giés ont dû colla­bo­rer pour créer une repré­sen­ta­tion cogni­tive sur la manière de procé­der à l’éva­cua­tion. Cette sensi­bi­li­sa­tion s’est mani­fes­tée à trois reprises lors de chaque évacua­tion. Les étapes de sensi­bi­li­sa­tion, notam­ment l’éta­blis­se­ment d’une connexion entre le bateau des réfu­giés et le bateau auxi­liaire, sont décrites. Les membres de l’équi­page ont utilisé des expres­sions verbales, non verbales et para­ver­bales, illus­trant les diffé­rences entre le cadrage émotion­nel et le cadrage des tâches.

Prépa­ra­tion à l’In­ter­ac­tion : Avant la rencontre avec les réfu­giés, l’équi­page a engagé une discus­sion interne pour évaluer la situa­tion. Ils ont partagé leurs obser­va­tions et commen­taires pour s’ali­gner sur la situa­tion. Deux extraits d’échanges entre les membres de l’équi­page montrent comment ils se coor­donnent verba­le­ment tout en se prépa­rant à inter­agir avec les réfu­giés, utili­sant des gestes et un ton amical pour instau­rer une ambiance de calme et de sécu­rité.

Les indices verbaux dans les échanges entre l’équi­page de sauve­tage et les réfu­giés ont varié selon les actions des réfu­giés, leurs émotions et les carac­té­ris­tiques du bateau. La commu­ni­ca­tion verbale était souvent accom­pa­gnée de mouve­ments corpo­rels prépa­ra­toires, tels que la prépa­ra­tion de la ligne de remorquage et des gestes pour saluer les réfu­giés. Cela indiquait aux membres de l’équi­page et aux réfu­giés que la rencontre était immi­nente. La tona­lité de la commu­ni­ca­tion était calme et profes­sion­nelle, avec un volume élevé en raison du bruit de fond.

 

Evacua­tion 1 

Prépa­ra­tion à l’In­ter­ac­tion :
L’équi­page de sauve­tage a d’abord échangé des infor­ma­tions verba­le­ment pour se prépa­rer à l’ar­ri­vée des réfu­giés, ce qui a aidé à établir une repré­sen­ta­tion parta­gée de la situa­tion.

Cadrage Émotion­nel :
Une fois le bateau des réfu­giés à portée de voix, une commu­ni­ca­tion multi­mo­dale a commencé, combi­nant verbal, non-verbal et para­ver­bal pour signa­ler l’ac­cueil et la sécu­rité. Les membres de l’équi­page ont utilisé un ton amical et apai­sant pour rassu­rer les réfu­giés. Quand les membres de l’équi­page ont rencon­tré des signes de confu­sion ou d’an­xiété chez les réfu­giés, ils ont répété leurs expres­sions jusqu’à établir une compré­hen­sion mutuelle.

Fina­le­ment, grâce à une inter­ac­tion chaleu­reuse, la situa­tion s’est apai­sée, et les réfu­giés sont deve­nus atten­tifs, acquiesçant aux instruc­tions données.

Les membres de l’équi­page ont répété et main­tenu des expres­sions verbales et corpo­relles spéci­fiques jusqu’à ce que les réfu­giés ne montrent plus d’émo­tions distrayantes, comme la peur ou la tension. Ils ont alors indiqué leur accord pour être trans­fé­rés sur le bateau de sauve­tage en affir­mant, par exemple, qu’ils allaient les conduire au bateau. Les membres de l’équi­page ont utilisé des expres­sions de bien­ve­nue et de sécu­rité, telles que « Bien­ve­nue en Europe ! Vous êtes dans un endroit sûr ici en Grèce », dans un ton amical et apai­sant, contras­tant avec les conver­sa­tions plus brusques entre eux lors de la prépa­ra­tion de l’éva­cua­tion.

Pour renfor­cer leur message verbal, les membres de l’équi­page ont utilisé des gestes (comme faire des signes de la main) ou des signaux (comme le pouce levé) pour rassu­rer les réfu­giés, répé­tant ces indices jusqu’à ce que ces derniers commencent à les imiter.

En résumé, ce cadre émotion­nel aide à mini­mi­ser les émotions distrayantes et établit un état calme et atten­tif, créant une base impor­tante pour les inter­ac­tions futures. Les membres de l’équi­page ont utilisé une commu­ni­ca­tion multi­mo­dale, où les répé­ti­tions verbales des formules de bien­ve­nue étaient renfor­cées par des expres­sions non verbales et para­ver­bales. Ce proces­sus de commu­ni­ca­tion multi­mo­dale a conti­nué jusqu’à ce que les réfu­giés montrent qu’ils avaient atteint une repré­sen­ta­tion parta­gée et un état de calme, ce qui les rend récep­tifs aux instruc­tions de l’équi­page pour les étapes suivantes de l’éva­cua­tion.

 

Résumé de la partie « Task Framing » (manière dont une tâche est présen­tée ou contex­tua­li­sée, influençant ainsi la percep­tion et la compré­hen­sion des acteurs sur la nature et l’objec­tif de cette tâche)

Après avoir établi un état collec­tif calme et atten­tif, la prochaine étape dans le proces­sus de sens­ma­king collec­tif était de déve­lop­per une repré­sen­ta­tion parta­gée des actions requises pour les deux groupes. L’objec­tif était d’éta­blir une connexion de remorquage en toute sécu­rité. Les membres de l’équi­page ont fourni des indi­ca­tions en utili­sant des expres­sions verbales pour expliquer les actions à réali­ser, accom­pa­gnées de gestes illus­tra­tifs non verbaux et d’ono­ma­to­pées para­ver­bales pour signa­ler aux réfu­giés ce qu’ils devaient faire.

Dans l’ex­trait d’Evacua­tion #2, le membre d’équi­page (CM_1) cherche quelqu’un capable de traduire pour les réfu­giés, tandis qu’un autre membre (CM_2) se prépare à lancer la ligne de remorquage. Lorsque Refu­gee_2_1 signale qu’il est prêt à traduire, CM_1 lui explique la procé­dure et les actions à réali­ser, comme atta­cher la ligne autour du moteur.

Les instruc­tions sont données de manière répé­ti­tive et avec des gestes pour renfor­cer la compré­hen­sion. Par exemple, CM_2 utilise des gestes de cercle pour indiquer comment enrou­ler la ligne autour du moteur. Refu­gee_2_1 réus­sit à attra­per la ligne et à l’at­ta­cher, et l’équi­page célèbre ce succès. Cepen­dant, lorsque Refu­gee_2_1 s’em­brouille en enrou­lant la ligne deux fois, CM_1 et CM_2 corrigent calme­ment l’er­reur avec des gestes et des expli­ca­tions claires.

Cette étape illustre comment l’équi­page utilise des signaux multi­mo­daux (verbaux, non verbaux et para­ver­baux) pour assu­rer la compré­hen­sion des tâches à accom­plir et faci­li­ter l’in­ter­ac­tion entre les membres de l’équi­page et les réfu­giés.

 

Résumé de la section task framing  et emotive framing (manière dont les émotions sont présen­tées ou contex­tua­li­sées, influençant ainsi la percep­tion et la compré­hen­sion d’une situa­tion ou d’un message en fonc­tion des émotions asso­ciées).

Task Framing 

Une fois que l’état collec­tif calme et atten­tif a été établi, l’équi­page a donné des instruc­tions précises pour réali­ser les actions néces­saires à la connexion de remorquage. Dans Evacua­tion #3, les membres de l’équi­page, en main­te­nant un contact visuel, ont demandé aux réfu­giés de prendre la corde et de l’en­rou­ler autour du moteur. Les membres de l’équi­page ont utilisé des gestes, des instruc­tions verbales claires et des sons onoma­to­péiques pour indiquer les actions requises.

Le membre d’équi­page (CM_2) a main­tenu le contact visuel avec Refu­gee_3_4 tout en lui montrant comment enrou­ler la corde. Les instruc­tions ont été répé­tées de manière calme mais ferme jusqu’à ce que les réfu­giés réalisent correc­te­ment la tâche. Les membres de l’équi­page ont égale­ment utilisé des gestes illus­tra­tifs pour clari­fier les actions à entre­prendre, tout en renforçant leur commu­ni­ca­tion par des éléments para-verbaux, comme des sons pour simu­ler le bruit du crochet de sécu­rité.

Les membres de l’équi­page ont égale­ment veillé à préve­nir les compor­te­ments dange­reux en utili­sant des commandes verbales claires et des gestes indi­ca­tifs pour inter­rompre les actions incor­rectes. En somme, cette étape de cadrage des tâches repose sur la trans­mis­sion verbale d’ins­truc­tions et l’uti­li­sa­tion de signaux multi­mo­daux jusqu’à ce que les réfu­giés aient exécuté correc­te­ment la tâche.

Emotive Framing 

Une fois la ligne de remorquage fixée, l’équi­page a commencé à clore l’in­ter­ac­tion de manière posi­tive. Dans Evacua­tion #5, après que les réfu­giés aient réussi à atta­cher la corde, CM_4 a applaudi et exprimé des féli­ci­ta­tions. Les membres de l’équi­page ont utilisé des expres­sions verbales comme « Oui, parfait ! » et des gestes comme le pouce levé pour montrer leur satis­fac­tion.

Cette phase de ferme­ture émotion­nelle se carac­té­rise par des remer­cie­ments et des éloges, ce qui favo­rise un état émotion­nel posi­tif après l’in­ter­ac­tion. Les réfu­giés ont parfois réagi en imitant les gestes des membres de l’équi­page, signa­lant ainsi qu’une repré­sen­ta­tion parta­gée avait été atteinte. Ce sens-making collec­tif, souvent bref, renforce les expres­sions verbales par une commu­ni­ca­tion non verbale et para­ver­bale, lais­sant une impres­sion posi­tive et déten­due après la réus­site de l’éva­cua­tion.

Le cadre émotion­nel et la tâche sont liés : le premier prépare le terrain pour une commu­ni­ca­tion effi­cace lors de l’exé­cu­tion des tâches, tandis que le second utilise des instruc­tions claires et des signaux multi­mo­daux pour assu­rer la compré­hen­sion et l’exé­cu­tion des actions requises. Les deux étapes contri­buent à un travail d’équipe réussi et à un état émotion­nel posi­tif à la fin de l’in­ter­ac­tion.

 

Résumé de la section Distan­cia­tion / Emotive Framing (Re-Etablir le Calme et un état d’at­ten­tion)

Après la phase de framing émotion­nel (ferme­ture de l’in­ter­ac­tion), les membres de l’équi­page commencent géné­ra­le­ment à distan­cer les réfu­giés des actions futures pour proté­ger la perfor­mance de la tâche. Ils se détournent des réfu­giés, parlent entre eux dans leur langue natale et utilisent un jargon profes­sion­nel, signa­lant ainsi que les réfu­giés ne doivent pas agir tant qu’ils ne sont pas solli­ci­tés.

Cepen­dant, si les réfu­giés montrent des signes de tension ou de peur, les membres de l’équi­page s’en­gagent rapi­de­ment dans un framing émotion­nel pour réta­blir un état calme et atten­tif. Cette étape implique des acti­vi­tés commu­ni­ca­tives visant à main­te­nir l’état émotion­nel calme et atten­tif précé­dem­ment établi. Par exemple, dans Evacua­tion #2, lorsque Refu­gee_2_3 commence à se montrer agité, CM_1 lui fait un geste apai­sant tout en lui deman­dant de s’as­seoir.

Un autre exemple, extrait d’Evacua­tion #4, montre comment l’équi­page, tout en proté­geant la perfor­mance de la tâche, mini­mise les émotions distrayantes des réfu­giés. Bien qu’ils se soient tour­nés vers leur travail, ils réagissent rapi­de­ment lorsque les réfu­giés montrent des signes d’agi­ta­tion en utili­sant des gestes et un ton amical pour les rassu­rer. CM_4 explique que le grand bateau approche, ce qui aide à calmer les réfu­giés.

Dans cette dernière étape de sens­ma­king, les membres de l’équi­page utilisent des indices verbaux et non verbaux pour éloi­gner les réfu­giés de toute impli­ca­tion supplé­men­taire. Ils restent vigi­lants face aux émotions intenses et produisent des indices simi­laires à ceux des étapes précé­dentes, construi­sant ainsi une repré­sen­ta­tion parta­gée de la situa­tion, ce qui leur permet de pour­suivre leur travail.

 

Tableau IV

Le tableau IV présente un résumé des idées émer­gentes tirées des données et démontre comment l’équi­page de sauve­tage engage un proces­sus de sens­ma­king incarné avec les réfu­giés, en souli­gnant l’im­por­tance de la multi­mo­da­lité dans cette dyna­mique de sens­ma­king collec­tif.

Résumé du tableau :

1. Prépa­ra­tion à l’in­ter­ac­tion

  • Locus du sens­ma­king : Intra-équi­page et inter-équi­page-réfu­gié
  • Focus de la commu­ni­ca­tion : Mise en avant de la trans­mis­sion verbale des indices de sens­ma­king, accom­pa­gnée de signaux non verbaux.
  • Intra-équi­page : Utili­sa­tion d’une combi­nai­son de commu­ni­ca­tion verbale et non verbale pour évaluer et s’adap­ter aux émotions et à la situa­tion des réfu­giés.
    • Commu­ni­ca­tion verbale : Échanges dans une langue profes­sion­nelle au sujet des signaux perçus concer­nant la situa­tion, notam­ment l’état émotion­nel à bord du bateau des réfu­giés.
    • Commu­ni­ca­tion non verbale : Accom­pa­gne­ment des échanges verbaux par des gestes tels que la prépa­ra­tion pour l’éva­cua­tion, le poin­tage vers le bateau des réfu­giés, et des gestes de la main.
    • Commu­ni­ca­tion para-verbale : Moins perti­nente pour le sens­ma­king, mais se révèle impor­tante lorsqu’elle contraste avec le ton de voix dans les épisodes suivants.
les sauveteurs expliquent avec la voix et les gestes
les sauve­teurs expliquent avec la voix et les gestes

 

2. Cadre émotion­nel (Établis­se­ment d’un état calme et atten­tif)

  • Locus du sens­ma­king : Inter-équi­page et inter-équi­page-réfu­gié
  • Focus de la commu­ni­ca­tion : Accent mis sur les signaux non verbaux et para-verbaux pour renfor­cer le message verbal formulé.
  • Inter-équi­page-réfu­gié : Les expres­sions non verbales donnent des indices aux membres d’équi­page et aux réfu­giés sur l’im­mi­nence d’un sens­ma­king collec­tif.
    • Commu­ni­ca­tion verbale : Formu­la­tions de bien­ve­nue et de sécu­rité.
    • Commu­ni­ca­tion non verbale : Renfor­ce­ment des échanges verbaux par des gestes (salu­ta­tions de la main) et des signaux (pouce en l’air).
    • Commu­ni­ca­tion para-verbale : La commu­ni­ca­tion para-verbale soutient la verba­li­sa­tion avec un ton amical et calme, en contraste avec le ton utilisé dans les échanges entre membres de l’équi­page.

 

3. Cadre des tâches (Instruc­tions sur la perfor­mance des tâches)

  • Locus du sens­ma­king : Inter-équi­page et inter-équi­page-réfu­gié
  • Focus de la commu­ni­ca­tion : Trans­mis­sion verbale des indices de sens­ma­king, illus­trée par des expres­sions non verbales et para-verbales.
  • Inter-équi­page-réfu­gié : Illus­tra­tions des messages verbaux par des signaux non verbaux et para-verbaux qui aident à trans­mettre les instruc­tions néces­saires pour réali­ser la tâche de manière correcte et effi­cace.
    • Commu­ni­ca­tion verbale : Instruc­tions sur la façon de procé­der pour accom­plir la tâche requise.
    • Commu­ni­ca­tion non verbale : Aide à main­te­nir l’at­ten­tion et à illus­trer la commu­ni­ca­tion verbale par des gestes, le contact visuel et une posi­tion visible.
    • Commu­ni­ca­tion para-verbale : Soutien de la verba­li­sa­tion par un ton instruc­tif, mettant l’ac­cent sur des mots clés et utili­sant des onoma­to­pées.
des gestes simples associés à la parole pour communiquer
des gestes simples asso­ciés à la parole pour commu­niquer

 

4. Cadre émotion­nel (Clôture de l’in­ter­ac­tion)

  • Locus du sens­ma­king : Inter-équi­page et inter-équi­page-réfu­gié
  • Focus de la commu­ni­ca­tion : Renfor­ce­ment des signaux non verbaux et para-verbaux pour soute­nir la répé­ti­tion du message verbal.
  • Inter-équi­page-réfu­gié : Soli­di­fi­ca­tion du message verbal par des expres­sions non verbales (gestes, signaux) jusqu’à ce que les réfu­giés retrouvent leur calme.
    • Commu­ni­ca­tion verbale : Formu­la­tions de remer­cie­ment et d’éva­lua­tion.
    • Commu­ni­ca­tion non verbale : Appui aux échanges verbaux par des gestes (comme un high five) ou des signaux (pouce en l’air).
    • Commu­ni­ca­tion para-verbale : La commu­ni­ca­tion para-verbale soutient la verba­li­sa­tion par un ton amical et calme, en contraste marqué avec le ton utilisé lors des inter­ac­tions entre membres de l’équi­page.
sauveteur communique avec gestes
sauve­teur qui commu­nique avec des gestes

 

5. Distan­cia­tion (Protec­tion de la perfor­mance des tâches) / Cadre émotion­nel (Ré-établis­se­ment d’un état calme et atten­tif)

  • Locus du sens­ma­king : Intra-équi­page et inter-équi­page-réfu­gié
  • Focus de la commu­ni­ca­tion : Trans­mis­sion verbale des indices de sens­ma­king, accom­pa­gnée de signaux non verbaux.
  • Intra-équi­page : L’as­so­cia­tion de commu­ni­ca­tion verbale et non verbale permet à l’équi­page de conti­nuer son travail régu­lier (l’éva­cua­tion).
  • Inter-équi­page-réfu­gié : Les expres­sions non verbales signalent aux membres d’équi­page et aux réfu­giés que le sens­ma­king collec­tif avec ces derniers est désor­mais achevé.

    • Commu­ni­ca­tion verbale : Échanges dans une langue profes­sion­nelle portant sur l’éva­cua­tion régu­lière.
    • Commu­ni­ca­tion non verbale : Accom­pa­gne­ment des échanges verbaux par des gestes tels que se détour­ner collec­ti­ve­ment des réfu­giés et pour­suivre les opéra­tions.
    • Commu­ni­ca­tion para-verbale : La commu­ni­ca­tion para-verbale appa­raît moins perti­nente pour le sens­ma­king et ne devient signi­fi­ca­tive qu’en contraste avec les tona­li­tés utili­sées dans les échanges précé­dents.

     

Un Modèle de Proces­sus de Sense­ma­king Collec­tif Multi­mo­dal dans des Contextes Extrêmes

Nos résul­tats révèlent les sché­mas de commu­ni­ca­tion multi­mo­dale que les acteurs utilisent pour surmon­ter les défis posés par des dispa­ri­tés cogni­tives et des émotions distrayantes dans des contextes extrêmes. Ils indiquent diffé­rentes étapes et inter­dé­pen­dances et suggèrent que la combi­nai­son multi­mo­dale de la commu­ni­ca­tion verbale, non verbale et para-verbale diffère selon qu’elle est liée à des émotions (cadre émotion­nel) ou à des tâches (cadre des tâches). Sur la base de ces résul­tats, nous déve­lop­pons un modèle de proces­sus de sense­ma­king collec­tif multi­mo­dal dans des contextes extrêmes.

UN MODÈLE DE PROCES­SUS DE SENSE­MA­KING COLLEC­TIF MULTI­MO­DAL DANS DES CONTEXTES EXTRÊMES

Ces résul­tats nous permettent de déve­lop­per un modèle de proces­sus – repré­senté dans la Figure 3 – qui répond à notre ques­tion de recherche. Dans les contextes où des acteurs avec des dispa­ri­tés cogni­tives et des émotions distrayantes se rencontrent, le sense­ma­king collec­tif ne peut pas unique­ment s’ap­puyer sur l’échange d’in­for­ma­tions verbales axées sur les tâches, ce que la plupart des recherches anté­rieures sur le sense­ma­king parmi les experts ont trouvé (par exemple, Chris­tian­son, 2019 ; Faraj et Xiao, 2006 ; Stei­gen­ber­ger et Lübcke, 2022). Au contraire, dans ces contextes, le sense­ma­king collec­tif implique un proces­sus auxi­liaire, compre­nant les étapes distinctes mais inter­dé­pen­dantes de prépa­ra­tion à l’in­ter­ac­tion, de cadre émotion­nel (établis­se­ment d’un état calme et atten­tif), de cadre des tâches (instruc­tion sur la perfor­mance des tâches), de cadre émotion­nel (clôture de l’in­ter­ac­tion) et de distan­cia­tion (protec­tion de la perfor­mance des tâches)/cadre émotion­nel (rééta­blis­se­ment d’un état calme et atten­tif), chacune étant orien­tée vers la faci­li­ta­tion du proces­sus central de sense­ma­king collec­tif (percep­tion des indices, inter­pré­ta­tion des indices et inter­ac­tion inten­tion­nelle).

Les étapes auxi­liaires du sense­ma­king collec­tif néces­sitent une commu­ni­ca­tion multi­mo­dale, les moda­li­tés étant dépen­dantes de l’objec­tif, qu’il soit émotion­nel ou lié aux tâches. Le cadre émotion­nel aide les acteurs à mini­mi­ser les émotions distrayantes et à (re)établir l’état de calme et d’at­ten­tion néces­saire afin que les indices liés aux tâches puissent être effi­ca­ce­ment trans­mis. Cette trans­mis­sion d’in­dices liés aux tâches est cruciale pour combler les dispa­ri­tés cogni­tives entre les acteurs et crée les bases d’une action coor­don­née. En alter­nant entre le cadrage des états émotion­nels et la four­ni­ture d’in­dices liés aux tâches, la commu­ni­ca­tion multi­mo­dale aide les acteurs à surmon­ter les défis posés par les dispa­ri­tés cogni­tives et les émotions distrayantes – tous deux courants dans des contextes extrêmes – faci­li­tant ainsi le sense­ma­king collec­tif et l’ac­tion subsé­quente.

 

Proces­sus de Sense­ma­king Collec­tif dans les Contextes Extrêmes

Les contextes extrêmes néces­sitent une colla­bo­ra­tion entre des acteurs ayant des repré­sen­ta­tions cogni­tives dispa­rates, ce qui peut engen­drer des émotions distrayantes comme la peur et l’an­xiété. Pour surmon­ter la fragi­lité du sense­ma­king collec­tif, les experts (comme les équipes de sauve­tage) doivent établir des condi­tions favo­rables à une inter­ac­tion effi­cace avec d’autres acteurs, tels que des réfu­giés en détresse.

  1. Prépa­ra­tion à l’In­ter­ac­tion : Les acteurs se préparent menta­le­ment et s’ac­cordent sur les para­mètres clés, notam­ment l’état émotion­nel des autres acteurs.
  2. Cadrage Émotion­nel Initial : Les experts mini­misent les émotions distrayantes pour établir un état collec­tif calme et atten­tif, créant ainsi un envi­ron­ne­ment propice à la trans­mis­sion des indices.
  3. Cadrage des Tâches : Les experts four­nissent des indices clairs et simples pour permettre aux acteurs moins expé­ri­men­tés d’ef­fec­tuer immé­dia­te­ment les actions requises, sans entrer dans des discus­sions inter­pré­ta­tives.
  4. Clôture et Distan­cia­tion : Une fois la tâche accom­plie, les experts signalent la fin de l’in­ter­ac­tion. Cela permet d’évi­ter que des acteurs moins prépa­rés n’en­travent les actions néces­saires.
  5. Réta­blis­se­ment du Cadrage Émotion­nel : Si des émotions distrayantes réap­pa­raissent, les experts s’en­gagent à nouveau dans un cadrage émotion­nel pour main­te­nir un état calme et atten­tif.

Commu­ni­ca­tion Multi­mo­dale dans le Sense­ma­king Collec­tif

Le modèle proposé montre l’uti­li­sa­tion distincte des moda­li­tés de commu­ni­ca­tion (verbale, para-verbale et non verbale) dans les étapes de cadrage émotion­nel et de cadrage des tâches :

  • Cadrage Émotion­nel : Dominé par la commu­ni­ca­tion non verbale et para-verbale, qui influence les émotions des acteurs et crée un envi­ron­ne­ment colla­bo­ra­tif.
  • Cadrage des Tâches : Prin­ci­pa­le­ment verbal, avec des éléments non verbaux et para-verbaux servant à soute­nir la trans­mis­sion d’ins­truc­tions claires.

Le modèle souligne l’im­por­tance de la commu­ni­ca­tion multi­mo­dale pour surmon­ter les défis posés par les dispa­ri­tés cogni­tives et les distrac­tions émotion­nelles, faci­li­tant ainsi le sense­ma­king collec­tif et l’ac­tion dans des contextes extrêmes.

Résumé de la Discus­sion

Contexte du Drame
Le 14 juin 2023, un bateau de pêche avec envi­ron 750 réfu­giés a coulé au large de Pylos, en Grèce, pendant une tenta­tive d’éva­cua­tion par la Garde côtière grecque, entraî­nant la mort de plus de 600 personnes. Les raisons de ce naufrage demeurent floues, et il a été suggéré que la déci­sion des réfu­giés de se dépla­cer d’un côté du bateau pour­rait être liée à leur peur de la déshy­dra­ta­tion. Les tenta­tives d’éta­blir une ligne de remorquage entre le bateau et le croi­seur de la garde côtière auraient échoué.
Contri­bu­tions de l’Étude
Cette étude propose un modèle de sense­ma­king collec­tif qui dépasse les recherches anté­rieures, prin­ci­pa­le­ment axées sur les experts. Dans des contextes extrêmes, où des acteurs avec des repré­sen­ta­tions cogni­tives moins élabo­rées doivent s’im­pliquer, l’ap­proche verbale clas­sique peut s’avé­rer insuf­fi­sante. Le modèle théo­rise comment les acteurs utilisent un proces­sus auxi­liaire pour surmon­ter les émotions distrayantes et les dispa­ri­tés cogni­tives.
  1. Impor­tance de la Commu­ni­ca­tion Corpo­relle
    Le modèle met en évidence le rôle de la commu­ni­ca­tion incar­née dans le sense­ma­king. Bien que la recherche ait reconnu l’im­por­tance des proces­sus corpo­rels, elle n’a pas encore suffi­sam­ment théo­risé comment le corps influence le sense­ma­king des autres acteurs, en four­nis­sant des indices pour réduire les dispa­ri­tés cogni­tives et les émotions distrayantes.
  2. Gestion des Émotions dans des Contextes Extrêmes
    L’étude enri­chit la litté­ra­ture sur la commu­ni­ca­tion et les émotions en montrant comment les acteurs gèrent les émotions des autres en provoquant une conta­gion émotion­nelle, en affi­chant des émotions de faible acti­va­tion posi­tive pour élar­gir le champ d’at­ten­tion des acteurs.
  3. Rôle Prépon­dé­rant des Indices Non Verbaux
    La recherche en psycho­lo­gie de la commu­ni­ca­tion démontre que les indices non verbaux et para-verbaux jouent un rôle crucial dans la trans­mis­sion des états émotion­nels, dépas­sant de loin l’im­pact du langage verbal.
  4. Compen­sa­tion des Dispa­ri­tés Cogni­tives
    L’étude aborde la ques­tion de la compen­sa­tion des dispa­ri­tés cogni­tives en situa­tion extrême. Au lieu de propo­ser des méthodes de préven­tion à long terme, le modèle présente des solu­tions adap­tées aux situa­tions de crise, utili­sant des éléments verbaux et onoma­to­péiques pour four­nir des indices percep­tibles et faci­le­ment compré­hen­sibles.
Impli­ca­tions Pratiques
Cette étude a des impli­ca­tions signi­fi­ca­tives pour les travaux en contexte extrême. Les experts doivent souvent coor­don­ner leurs actions avec des acteurs ayant des repré­sen­ta­tions cogni­tives moins déve­lop­pées ou affec­tés par des émotions distrayantes. Le contraste entre les deux vignettes de l’étude souligne l’im­por­tance du modèle de sense­ma­king collec­tif proposé. Il est recom­mandé d’in­té­grer l’uti­li­sa­tion infor­mée et ciblée de la commu­ni­ca­tion multi­mo­dale dans les programmes de forma­tion et sur le terrain.

 

Résumé des Direc­tions de Recherche Future et Limi­ta­tions


L’étude propose plusieurs pistes pour appro­fon­dir la recherche sur le sense­ma­king collec­tif dans des contextes extrêmes, en souli­gnant certaines limi­ta­tions :

  1. Commu­ni­ca­tion Multi­mo­dale
    Bien que l’étude souligne la nature multi­mo­dale du sense­ma­king collec­tif, elle n’exa­mine pas en profon­deur les effets des diffé­rents types d’ex­pres­sions (verbales, para-verbales et corpo­relles) dans le dérou­le­ment d’un dialogue. Les cher­cheurs sont encou­ra­gés à utili­ser des méthodes d’ana­lyse du discours pour déve­lop­per une théo­rie plus fine, notam­ment sur le déve­lop­pe­ment de la confiance entre les experts et d’autres acteurs en contexte extrême.
  2. Déséqui­libre dans les Données
    Les données de l’étude privi­lé­gient la commu­ni­ca­tion des membres de l’équi­page de sauve­tage par rapport aux réfu­giés. Cette imba­lance néces­site une explo­ra­tion plus équi­li­brée des pers­pec­tives des deux groupes. La recherche future pour­rait impliquer l’uti­li­sa­tion de camé­ras portables par tous les acteurs impliqués dans des situa­tions extrêmes pour mieux comprendre comment les dispa­ri­tés cogni­tives et les distrac­tions émotion­nelles influencent le sense­ma­king collec­tif.
  3. Régu­la­tion des Émotions
    Une compré­hen­sion appro­fon­die de la régu­la­tion des émotions dans des contextes extrêmes pour­rait être enri­chie par des insights obte­nus dans des contextes non extrêmes. La recherche future pour­rait exami­ner comment les acteurs gèrent leurs émotions dans des situa­tions extrêmes, ce qui pour­rait éclai­rer les condi­tions et les proces­sus de sense­ma­king collec­tif.

     

Conclu­sion

Dans des contextes extrêmes, la coor­di­na­tion entre acteurs est souvent entra­vée par des dispa­ri­tés cogni­tives et des distrac­tions émotion­nelles. L’étude présente un modèle qui illustre le proces­sus de sense­ma­king collec­tif, mettant en évidence l’in­ter­ac­tion dyna­mique entre les proces­sus auxi­liaires et prin­ci­paux de sense­ma­king. Ce modèle propose une compré­hen­sion des diffé­rentes moda­li­tés utili­sées pour enca­drer les états émotion­nels et trans­mettre des infor­ma­tions liées aux tâches, contri­buant ainsi à atté­nuer les erreurs fatales et à combler les lacunes dans la recherche sur le sense­ma­king.

Lien du pdf de l’étude origi­nale en Anglais : 

https://onli­ne­li­brary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/joms.13133

Lien de l’ar­ticle web origi­nal en Anglais : 

https://onli­ne­li­brary.wiley.com/doi/full/10.1111/joms.13133?fbclid=IwZXh0b­gNhZW0CM­TEAAR0­KYirkbW­SuoOF7MC3n3vSLp-QSrdFqmtzV8yHS-SkAkJxp­byJLQQ-tN0g_aem_d13rXad­farn6XOiRJPCNjw